Recommandations

Le présent rapport appelle les gouvernements à répondre aux besoins éducatifs des migrants et des populations déplacées, et à ceux de leurs enfants, avec la même attention que celle qu’ils accordent aux populations d’accueil.

CRÉDIT: Achilleas Zavillis / UNHCR. Des garçons afghans déplacés forment une «chaîne de marguerites» pour assister à des cours d'anglais spéciaux au centre d'Oinofyta, en Grèce, en 2016.

DÉFENDRE LE DROIT À L’ÉDUCATION DES MIGRANTS ET DES PERSONNES DÉPLACÉES

Le principe de non-discrimination dans l’éducation est reconnu dans les conventions internationales. Les barrières discriminatoires, comme l’obligation de produire un certificat de naissance, doivent être expressément interdites par la législation nationale. Les réglementations ne doivent présenter ni failles ni zones grises sujettes à l’interprétation de responsables locaux ou scolaires. Les gouvernements doivent protéger le droit à l’éducation des migrants et des réfugiés en faisant abstraction de leurs pièces d’identité ou de leur statut de résidence et ne tolérer aucune exception à l’application des lois.

Le respect du droit à l’éducation ne relève pas seulement de la législation et des procédures administratives. Il incombe aux autorités de l’État de mener des campagnes de sensibilisation pour informer les migrants et les familles déplacées de leurs droits et des procédures d’inscription à l’école. Les responsables de la planification devront veiller à ce que des écoles publiques soient construites à proximité des zones d’habitation informelles et des bidonvilles et qu’elles ne soient pas laissées pour compte dans les plans de renouvellement urbain.

INTÉGRER LES MIGRANTS ET LES PERSONNES DÉPLACÉES AU SYSTÈME ÉDUCATIF NATIONAL

Dans certains systèmes éducatifs, les immigrants et les réfugiés sont considérés comme des populations temporaires ou en transit, distinctes des autochtones. Un tel traitement n’est pas acceptable car il compromet les progrès scolaires, la socialisation et les chances d’avenir des immigrants et des réfugiés tout en freinant l’édification de sociétés diversifiées et homogènes. Les politiques publiques doivent intégrer les immigrants et les réfugiés à tous les niveaux du système de l’éducation nationale.

L’intégration des immigrants présente plusieurs aspects. Bien que l’apprentissage d’une nouvelle langue d’enseignement nécessite des cours préparatoires, il importe que les élèves immigrants soient séparés le moins possible de leurs camarades autochtones. Les systèmes éducatifs ne doivent pas orienter vers des filières distinctes les élèves obtenant de moins bons résultats, parmi lesquels les immigrants sont surreprésentés. Étant donné la concentration géographique des élèves immigrants dans beaucoup de pays, les planificateurs de l’éducation doivent prendre des mesures telles que la subvention des transports ou l’affectation scolaire aléatoire afin que la ségrégation résidentielle ne conduise pas à une ségrégation scolaire.

Les gouvernements doivent veiller à ce que le cursus scolaire suivi par les réfugiés subisse le moins d’interruptions possible. En dehors de certaines circonstances exceptionnelles qui ne favorisent pas une intégration pleine et entière – isolement des communautés de réfugiés, faibles capacités des systèmes d’accueil – les gouvernements doivent restreindre au maximum le temps que les réfugiés passent à l’école sans suivre le programme national ni préparer de diplômes reconnus, dans la mesure où leurs parcours éducatifs s’en trouveraient alors compromis.

COMPRENDRE LES BESOINS ÉDUCATIFS DES MIGRANTS ET DES PERSONNES DÉPLACÉES ET ÉTABLIR DES PLANS EN CONSÉQUENCE

Les pays accueillant un grand nombre d’immigrant et de réfugiés doivent collecter des données sur ces populations à travers des systèmes d’information sur la gestion de l’éducation afin d’établir des plans et des budgets en conséquence. Offrir aux migrants et aux réfugiés des places à l’école ou des possibilités d’emploi n’est qu’un premier pas vers l’inclusion.

L’environnement scolaire doit s’adapter aux besoins des élèves et y apporter une réponse. Les élèves qui apprennent une nouvelle langue d’enseignement doivent pouvoir suivre des programmes relais dispensés par des enseignants qualifiés. Ceux dont le cursus a été interrompu devront suivre des programmes d’apprentissage accéléré afin de rattraper leur retard et de réintégrer l’école au niveau approprié. L’intégration des réfugiés à l’éducation aura de plus grandes chances de réussite si elle s’accompagne de programmes de protection sociale grâce auxquels les réfugiés pourront par exemple bénéficier d’allocations sous conditions afin de faire face aux coûts cachés de la scolarité. Dans le cas des migrants internes, et plus particulièrement des enfants des travailleurs nomades ou saisonniers, les gouvernement devront envisager d’adopter des calendriers scolaires flexibles, des systèmes de suivi de l’éducation et des programmes scolaires adaptés à ces conditions de vie particulières.

Les adultes ont besoin d’aide afin de renforcer leurs compétences au moyen de l’enseignement et de la formation techniques et professionnels et de surmonter les obstacles – tels que des emplois peu qualifiés ou le coût élevé des formations – qui les dissuadent d’investir dans le renforcement de leurs compétences. Ils doivent pouvoir accéder à des programmes d’éducation financière afin d’être en mesure de gérer leur situation économique, de tirer le meilleur parti des fonds qui leur sont versés et d’éviter les risques de fraude et d’exploitation financière. Les programmes d’éducation non formelle, parfois dispensés par les collectivités locales, viendront compléter les efforts déployés afin de renforcer la cohésion sociale.

VEILLER À CE QUE L’ÉDUCATION DONNE UNE REPRÉSENTATION EXACTE DE L’HISTOIRE DES MIGRATIONS ET DES DÉPLACEMENTS AFIN DE LUTTER CONTRE LES PRÉJUGÉS

Pour édifier des sociétés inclusives et aider les individus à vivre ensemble, il ne suffit pas seulement d’être tolérant. Il est indispensable que les gouvernements revoient les contenus et les méthodes de l’enseignement, en adaptant les programmes et en repensant les manuels afin de donner une juste représentation de l’histoire et de la diversité actuelle. Il importe que les contenus de l’enseignement valorisent les contributions de la migration à la richesse et à la prospérité. Il est également essentiel qu’ils discernent les causes des tensions et des conflits et qu’ils reconnaissent ce que nous ont enseigné les migrations qui ont été la cause du déplacement ou la marginalisation de certaines populations. Les approches pédagogiques doivent promouvoir l’ouverture à des points de vue divers, encourager les valeurs du vivre ensemble et apprécier à leur juste valeur les bienfaits de la diversité. Elles doivent combattre les préjugés et renforcer les compétences d’analyse critique afin que les apprenants soient capables de surmonter leurs incertitudes dans leurs échanges avec d’autres cultures et de s’opposer aux représentations défavorables des immigrants et des réfugiés véhiculées par les médias. Il incombe aux gouvernements de tirer parti des résultats positifs de l’éducation interculturelle.

PRÉPARER LES ENSEIGNANTS DES MIGRANTS ET DES RÉFUGIÉS À FAIRE FACE À LA DIVERSITÉ ET AUX SITUATIONS DIFFICILES

Il convient d’épauler les enseignants afin qu’ils deviennent les agents du changement dans des environnements scolaires de plus en plus marqués par les migrations et les déplacements. À l’heure actuelle, les programmes de formation des enseignants portant sur les migrations sont ponctuels, ils ne font généralement pas partie intégrante du curriculum général. Les gouvernements doivent investir dans la formation initiale et continue des enseignants afin de leur donner les compétences et les aptitudes fondamentales requises pour faire face à des contextes de diversité multilingues et multiculturels qui ne sont pas sans incidence pour les élèves autochtones. Il convient de mener une action de sensibilisation sur les migrations et les déplacements auprès de tous les enseignants et de pas cibler exclusivement ceux d’entre eux qui doivent faire face à la diversité des élèves de leurs classes. Il est essentiel de donner aux élèves enseignants, aux enseignants en exercice et aux chefs d’établissement les outils nécessaires pour faire face aux stéréotypes, aux préjugés et aux discriminations en classe, dans la cour de récréation et au sein de la communauté, et pour renforcer chez les élèves immigrants et réfugiés l’estime de soi et le sentiment d’appartenance.

Dans les contextes de déplacement, il est impératif que les enseignants se montrent attentifs aux difficultés particulières qu’éprouvent les élèves et leurs parents et qu’ils entretiennent des contacts directs avec leurs communautés. Bien qu’ils n’exercent pas la fonction de conseillers, les enseignants peuvent suivre une formation pour apprendre à reconnaître les signes de stress et de traumatisme et orienter ceux qui en ont besoin vers des spécialistes. En l’absence de spécialistes, les enseignants devront être prêts à être les seuls relais entre les familles et ces services. Les enseignants travaillant auprès des réfugiés ou qui sont eux-mêmes déplacés sont exposés à des facteurs de stress supplémentaires. Les responsables de la gestion de l’éducation doivent reconnaître que certains enseignants travaillent dans des conditions extrêmement difficiles et prendre des mesures pour les soulager ; réglementer et garantir l’égalité de tous les professionnels de l’enseignement afin de soutenir leur moral ; et investir dans le développement professionnel.

VALORISER LE POTENTIEL DES MIGRANTS ET DES PERSONNES DÉPLACÉES

Les migrants et les réfugiés possèdent des compétences qui peuvent contribuer à transformer non seulement leur existence et celle de leur famille mais aussi la situation économique et sociale de leur pays d’origine et de leur pays d’accueil, indépendamment du fait qu’ils retournent dans leur pays ou qu’ils le soutiennent à distance. Pour que ce potentiel soit valorisé, il convient d’adopter des mécanismes plus simples, moins chers, plus transparents et plus flexibles afin de faciliter la reconnaissance des titres universitaires et des compétences professionnelles (y compris dans le cas des enseignants), et de tenir compte des acquis de l’apprentissage qui n’ont été ni validés ni certifiés.

Les pays doivent donner suite aux engagements qu’ils ont pris en vertu du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières en ce qui concerne la reconnaissance mutuelle des qualifications, et mener à bien les négociations sur la Convention mondiale sur la reconnaissance des qualifications de l’enseignement supérieur en vue de son adoption en 2019. Les agences d’évaluation, les organismes de certification et les établissements universitaires doivent harmoniser leurs critères et leurs procédures aux niveaux bilatéral, régional et mondial, en collaborant avec les gouvernements et les organisations régionales et internationales. Les normes communes applicables aux diplômes, les mécanismes d’assurance qualité et les programmes d’échanges universitaires peuvent favoriser la reconnaissance des qualifications.

RÉPONDRE AUX BESOINS ÉDUCATIFS DES MIGRANTS ET DES PERSONNES DÉPLACÉES DANS LE CADRE DE L’AIDE HUMANITAIRE ET DE L’AIDE AU
DÉVELOPPEMENT

Si les deux tiers des migrants internationaux prennent pour destination un pays à revenu élevé, neuf réfugiés sur dix sont accueillis par des pays à revenu faible et intermédiaire, qui ont besoin de l’aide des partenaires internationaux. Pour répondre aux besoins des migrants, il serait nécessaire de multiplier par dix la part de l’éducation dans l’aide humanitaire. Pour trouver une solution plus durable, la communauté internationale doit respecter les engagements fixés par le Pacte mondial sur les réfugiés et le Cadre d’action global pour les réfugiés afin de coordonner l’aide humanitaire et l’aide au développement dès les premières phases de la crise, en veillant à ce que les réfugiés et les populations hôtes bénéficient d’une éducation inclusive. Il est indispensable de tenir compte de l’éducation, et plus particulièrement de l’éducation et de la protection de la petite enfance, lors de la planification de la réponse. L’éducation doit également faire partie d’une solution intégrée englobant d’autres secteurs comme le logement, l’alimentation, l’eau, l’assainissement et la protection sociale. Les donateurs doivent tenir compte de ces évolutions dans leurs interventions humanitaires. Tirant parti de l’élan impulsé par le fonds ECW, il doivent renforcer leurs capacités d’évaluation des besoins et prendre part à la planification afin de combler le fossé entre aide humanitaire et aide au développement et de stimuler la mobilisation de financements pluriannuels prévisibles.

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