Finance

Les dépenses annuelles d’éducation à l’échelle mondiale s’élèvent à 4 700 milliards de dollars EU dont 65 % sont effectuées par les pays à revenu élevé

CRÉDIT: Muse Mohammed / OIM. Ces enfants réfugiés syriens ont eu recours aux moyens de transport de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour accéder à cette école éloignée de leur camp.

Les trois grandes sources de financement de l’éducation sont les gouvernements, les donateurs et les ménages. Selon les analyses réalisées en amont du présent rapport, les dépenses annuelles d’éducation à l’échelle mondiale s’élèvent à 4 700 milliards de dollars EU dont 65 %, soit 3 000 milliards de dollars EU, sont effectuées par les pays à revenu élevé et 0,5 %, soit 22 milliards de dollars EU, par les pays à faible revenu (Figure 18a), bien que le nombre d’enfants en âge d’être scolarisés soit à peu près équivalent dans ces deux groupes. Les gouvernements prennent en charge 79 % des dépenses totales, les ménages 21 %. Les donateurs représentent 12 % du total des dépenses dans les pays à faible revenu et 2 % dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (Figure 18b).

Figure 18: Sur cinq dollars alloués à l’éducation, les gouvernements en versent quatre

Dépenses publiques

À l’échelle mondiale, les dépenses publiques médianes en faveur de l’éducation représentaient 4,4 % du PIB en 2017, ce qui est supérieur au seuil minimum de 4 % fixé par le Cadre d’action Éducation 2030 ; ce pourcentage varie selon les régions, de 3,4 % en Asie de l’Est et du Sud-Est à 5,1 % en Amérique latine et dans les Caraïbes. La part du budget de l’éducation dans les dépenses publiques totales était de 14,1 % en moyenne, ce qui est inférieur au seuil minimum de 15 %, les pourcentages étant compris entre 11,6 % en Europe et en Amérique du Nord et 18 % en Amérique latine et dans les Caraïbes. Au total, 43 pays sur 148 n’atteignent aucun de ces deux objectifs de référence.

La part des dépenses publiques d’éducation consacrées à l’enseignement primaire s’établit en moyenne à 35 %, dans une fourchette comprise entre 47 % pour les pays à faible revenu et 26 % pour les pays à revenu élevé. À l’échelle mondiale, la part moyenne des dépenses d’éducation totales consacrée à l’enseignement secondaire est de 35 %, de 27 % dans les pays à faible revenu à 37 % dans les pays à revenu élevé. Dans les pays d’Europe et d’Amérique du Nord, les dépenses par élève sont équivalentes dans le primaire et dans l’enseignement supérieur. En Afrique subsaharienne, les dépenses par élève sont dix fois plus élevées dans le supérieur que dans le primaire.

L’opinion publique ne cesse de dénoncer les effets préjudiciables de l’immigration sur le système de protection sociale de la communauté d’accueil. D’une part, bien que les immigrants soit généralement en âge de travailler dans une plus forte proportion que les autochtones, ils contribuent moins aux recettes fiscales car ils sont moins bien rémunérés. D’autre part, les immigrants bénéficient souvent davantage des prestations sociales et des services publics, comme l’éducation. Cependant, les dépenses publiques d’éducation en faveur des enfants d’immigrants constituent un investissement, c’est bien ainsi qu’il faut les considérer : au cours de leur existence, ces enfants paieront davantage en impôts et en cotisations sociales qu’ils ne coûteront à l’État. Qu’il soit positif ou négatif, l’impact fiscal de l’immigration est relativement modeste, de l’ordre de 1 % du PIB.

Dépenses liées à l’aide

L’aide à l’éducation a atteint son plus haut niveau en 2016 depuis 2002, année à partir de laquelle ces données ont été consignées. Par rapport à 2015, l’aide à l’éducation a progressé de 1,5 milliard de dollars EU, soit 13 % en termes réels, pour atteindre 13,4 milliards de dollars EU. L’aide à l’éducation de base contribue pour deux tiers à cette progression ; la hausse de l’aide à l’enseignement secondaire et supérieur a été moins rapide, de sorte que la part de l’éducation de base dans l’aide totale à l’éducation a atteint le niveau jusque-là inégalé de 45 %.

L’aide à l’éducation de base n’est pas toujours attribuée aux pays qui en ont le plus besoin. La part de l’aide à l’éducation de base versée aux pays à faible revenu a ainsi diminué, tombant de 36 % en 2002 à 22 % en 2016. La part de cette aide versée aux pays les moins développés était de 34 % en 2016, alors qu’elle culminait à 47 % en 2004.

 

La part de l’aide à l’éducation de base versée aux pays à faible revenu a ainsi diminué, tombant de 36 % en 2002 à 22 % en 2016

Les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure souffrent eux aussi d’un déficit de financement. Les prêts accordés par les banques de développement multilatérales pour financer l’éducation dans ces pays restent peu élevés. Ainsi, entre 2002 et 2017, la part de l’éducation dans les prêts concessionnels accordés par l’Association internationale de développement (IDA) était de 10,5 % en moyenne mais elle ne correspondait qu’à 6,4 % des prêts accordés à des conditions normales par la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD). De surcroît, la part de l’éducation dans les prêts de la BIRD a reculé de 8,2 % en 2012 à 4,7 % en 2017, ce qui représente 25 % seulement du montant des prêts alloués aux secteurs de l’énergie et de l’extraction (Figure 19). La proposition de la Commission internationale pour le financement de possibilités d’éducation dans le monde visant à créer une Facilité internationale de financement pour l’éducation continue à faire l’objet de discussions. Cette initiative aurait pour but d’accroître la capacité de prêt des banques de développement au secteur de l’éducation des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure.

Figure 19: La part des prêts non concessionnels en faveur de l’éducation accordés par la Banque mondiale a diminué et poursuit sa baisse

FAIRE DE L’AIDE UN OUTIL POUR RÉDUIRE LES FLUX MIGRATOIRES

L’idée selon laquelle l’aide extérieure peut freiner les migrations suscite un certain intérêt dans les cercles politiques. Si le revenu disponible des pays d’origine augmentait, l’une des principales causes de l’émigration perdrait sa raison d’être. L’Agenda européen en matière de migration et les politiques d’aide de certains pays accréditent cette idée.

Selon une étude des flux migratoires entre 210 pays d’origine et 22 pays donateurs (et d’accueil), les pays d’où proviennent le plus grand nombre de migrants sont aussi les premiers bénéficiaires de l’aide extérieure. Il est toutefois difficile d’établir un lien de causalité entre l’aide internationale et les flux migratoires. Lorsque l’aide parvient bien aux familles pauvres, elle les aide parfois à financer la migration. L’aide permet aussi aux migrants d’obtenir des informations sur les pays donateurs et de réduire leurs coûts de transaction, favorisant ainsi l’émigration. Il incombe donc aux responsables politiques de battre en brèche l’idée selon laquelle l’aide contribue à contrôler les migrations.

Il est très ardu de déterminer quelle est l’incidence de l’aide à l’éducation, en particulier sur la migration, en raison des faibles montants en jeu. Même si l’aide à l’éducation contribue à freiner l’émigration, il est peu probable que ses effets se manifestent rapidement. L’éducation peut cependant avoir un rôle modérateur important, dans les pays d’origine comme dans les pays de destination. Selon une étude des flux migratoires de l’Afrique du Nord vers les pays de l’OCDE, l’augmentation des revenus résultant de l’aide allouée aux pays d’origine constitue pour les migrants peu instruits une incitation à l’émigration. Néanmoins, la satisfaction que suscitent les services publics locaux, y compris les écoles, est un facteur dissuasif pour les candidats à l’émigration. De façon générale, les caractéristiques démographiques du pays de destination – densité de la population, croissance de la population urbaine, ratio de dépendance des personnes âgées – et les avantages que procure l’éducation dans ce pays exercent une influence beaucoup plus déterminante que les niveaux d’aide sur les taux de migration.

Il est difficile d’établir un lien de causalité entre l’aide internationale et les flux migratoires

AMÉLIORER L’EFFICACITÉ DE L’AIDE HUMANITAIRE EN FAVEUR DE L’ÉDUCATION

En 2017, l’aide humanitaire a augmenté pour la quatrième année consécutive, l’aide humanitaire en faveur de l’éducation atteignant 450 millions de dollars EU au niveau mondial. Cependant, la part de l’éducation dans l’aide humanitaire totale s’établit à 2,1 %, très en-deçà de l’objectif minimum de 4 %. Par rapport à d’autres secteurs, le taux de demandes de financement de l’éducation obtenant satisfaction est systématiquement l’un des plus faible. Le fonds multilatéral Education Cannot Wait (ECW, l’Éducation ne peut pas attendre) créé à l’issue du Sommet humanitaire mondial de 2016 constitue toutefois un nouvel engagement en faveur de l’éducation en situation d’urgence.

La profusion des mécanismes de coordination, qu’ils soient verticaux (du mondial au local) ou horizontaux (entre les secteurs ou les acteurs) donne à l’aide humanitaire une architecture complexe et ne facilite pas la prise en compte prioritaire de l’éducation dans les interventions d’urgence. Les interventions coordonnées par l’ONU sont de deux types. Les plans de réponse humanitaire (HRP) définissent une stratégie dans le pays concerné, habituellement pendant une période de plus d’un an. Les appels éclairs prévoient des interventions en cas d’urgences soudaines pour faire face aux besoins majeurs du pays pendant trois à six mois. Le volet éducation des plans d’intervention humanitaire est généralement des plus sommaires. Quant aux appels éclairs, ils ne mentionnent que rarement l’éducation.

En l’absence de système de notification obligatoire applicable aux dépenses d’aide humanitaire internationale, il est difficile de procéder à un suivi exhaustif des dépenses d’éducation. Bien que la base de données du système de notification des pays créanciers (SNPC) du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE ne ventile pas l’aide humanitaire par secteur, elle indique que la part de l’aide au développement allouée à l’éducation des réfugiés s’élevait à près de 400 millions de dollars EU en 2016. Le Service de surveillance financière volontaire du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies suit les évolutions de l’éducation mais, en 2017, 42 % des financements étaient répertoriés dans la catégorie multisectorielle, dispersés entre plusieurs secteurs ou encore non spécifiés, d’où des estimations de dépenses d’éducation potentiellement inexactes.

Le sous-financement de l’éducation résulte des carences que l’on constate dans plusieurs domaines : volonté politique, coordination verticale et horizontale, capacités des acteurs humanitaires et mécanismes d’information ou de responsabilisation.

Selon une étude des coûts réalisée en 2015, le déficit de financement, qui devrait être couvert par la communauté internationale, s’élève à 8,5 milliards de dollars EU, soit 113 dollars EU par enfant, dix fois plus que le niveau actuel de dépenses par élève. Le fonds ECW s’est fixé pour objectif de lever 1,5 milliard de dollars EU par an et d’accroître de 1,2 point de pourcentage la part de l’éducation dans l’aide humanitaire d’ici à 2021. Ses partenaires devront accompagner ces efforts, soit en privilégiant les objectifs humanitaires au sein de l’aide au développement soit en accordant une plus grande priorité à l’éducation dans l’aide humanitaire.

Les plans ne doivent pas être fondés sur des actions que les organisations ont l’habitude de mener mais plutôt sur des actions qui favorisent la mise en place d’une éducation de qualité, inclusive et équitable. Le Global Education Cluster a défini des directives en matière d’évaluation des besoins. Le fonds ECW, qui représente un nouvel acteur de poids, pourrait en favoriser l’application en invitant ses partenaires à les utiliser dans le cadre de la conception des programmes et du renforcement des capacités.

La coordination des principaux acteurs représente un problème de taille pour l’aide humanitaire. Il est impératif que l’éducation soit prioritaire dans les plans d’intervention humanitaire multisectoriels. Lors de la crise des Rohingya au Bangladesh, l’éducation a été intégrée à la toute première phase des opérations de secours et les services éducatifs ont démarré très rapidement. Toutefois, faute de coordination suffisante, les centres d’apprentissage sont parfois restés vides car d’autres interventions étaient proposées aux enfants au moment des cours.

 

Il convient par ailleurs que les acteurs de l’aide humanitaire et du développement planifient leurs opérations de manière concertée. Si grâce à la planification multisectorielle l’éducation a été prise en compte lors de l’intervention humanitaire en faveur des Rohingya, cela n’a pas suffi pour garantir l’intégration dans le système éducatif bangladeshi. Lors des crises prolongées, les appels pluriannuels sont parfois sous-financés et les plans nationaux d’éducation ne sont généralement axés ni sur la résilience ni sur la réponse aux crises. Les cadres de planification de l’éducation à court terme dans le contexte des interventions humanitaires doivent également répondre à des problèmes d’ordre plus structurel, comme en Ouganda, où le plan d’intervention en faveur des réfugiés et des communautés d’accueil dans le domaine de l’éducation, annoncé en mai 2018 par le gouvernement, consacre annuellement 395 millions de dollars EU sur trois ans à quelque 675 000 réfugiés et élèves vivant dans des communautés d’accueil.

Les pays donateurs tels que l’Australie, le Canada, la Norvège et le Royaume-Uni ont adopté des plans de financement pluriannuels afin que leurs partenaires de l’aide humanitaire puissent compter sur des financements prévisibles. De son côté, l’ECW a élaboré un programme de résilience pluriannuelle qui a aussi pour but de jeter une passerelle entre l’aide humanitaire et le développement. Il convient de renforcer la responsabilisation dans le domaine de l’aide humanitaire. L’ECW privilégie la transparence et les résultats en fixant des normes élevées dans son cadre de résultats stratégiques, qui définit les résultats attendus mais aussi et surtout les modes de fonctionnement et l’efficacité opérationnelle.

Dépenses des ménages

Le manque de données sur les dépenses des ménages a longtemps entravé l’analyse des dépenses totales d’éducation. L’ISU a certes publié pour la première fois des données sur les ménages en 2017, mais leur portée reste limitée. La part des ménages dans les dépenses totales d’éducation est très élevée dans certains pays à revenu faible et intermédiaire comme El Salvador (50 %) et l’Indonésie (49 %) (Figure 20).

De façon générale, et à quelques exceptions près, les données relatives aux dépenses des ménages ne semblent pas varier outre mesure d’une année sur l’autre. Au Chili, les grandes manifestations d’étudiants contre le manque de financement de l’éducation par les pouvoirs publics ont entraîné un changement d’orientation politique qui s’est traduit par une baisse des contributions des ménages en pourcentage des dépenses totales d’éducation entre 2005 et 2015 : alors qu’elles s’élevaient à près de 50 % des dépenses d’éducation, elles sont retombées sous la barre des 20 %.

Figure 20: Les dépenses d’éducation à la charge des ménages sont très élevées dans certains pays à revenu faible et intermédiaire

Années précédentes