Migration internationale
Les migrants qui quittent leur pays en quête de meilleures conditions de vie et de travail doivent s’adapter à de nouveaux systèmes, faire face à divers obstacles juridiques et administratifs et surmonter les barrières linguistiques et la discrimination potentielle. Dans le pays d’accueil, le système éducatif est confronté aux coûts d’ajustement liés à l’hébergement des nouveaux arrivants.
Les enfants à une manifestation contre un projet de répression fédérale sur l'immigration illégale à Los Angeles, Californie, États-Unis. CRÉDIT: Krista Kennelal/Shutterstock. com
Les migrants qui quittent leur pays en quête de meilleures conditions de vie et de travail doivent s’adapter à de nouveaux systèmes, faire face à divers obstacles juridiques et administratifs et surmonter les barrières linguistiques et la discrimination potentielle. Dans le pays d’accueil, le système éducatif est confronté aux coûts d’ajustement liés à l’hébergement des nouveaux arrivants.
On comptait 258 millions de migrants internationaux en 2017, soit 3,4 % de la population mondiale. Environ 64 % d’entre eux vivaient dans des pays à revenu élevé, où la proportion d’immigrants par rapport à l’ensemble de la population est passée de 10 % en 2000 à 14 % en 2017. Dans de nombreux pays du Golfe, comme dans les Émirats arabes unis, au Koweït et au Qatar, les immigrants sont majoritaires.
Les taux d’immigration sont deux à trois fois supérieurs à la moyenne mondiale dans plusieurs pays à revenu intermédiaire, dont l’Afrique du Sud, le Costa Rica, la Côte d’Ivoire et la Malaisie. Inversement, parmi les pays qui affichent un taux d’émigration supérieur à 5 % de leur population figurent l’Albanie, la Géorgie, la Jamaïque, le Kirghizistan et le Nicaragua. L’émigration du Mexique vers les États-Unis constitue le plus important couloir de migration. D’autres couloirs de migration également très fréquentés partent de l’Europe de l’Est en direction de l’Europe occidentale, de l’Afrique du Nord en direction du Sud de l’Europe, ainsi que de l’Asie du Sud en direction des pays du Golfe.
Dans la majorité des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), au moins un élève sur cinq âgé de 15 ans était immigré ou issu de l’immigration en 2015 (Figure 2). Selon des estimations établies dans les pays à revenu élevé pour les besoins de ce Rapport, les élèves issus de l’immigration représentent au moins 5 % des effectifs dans 80 % des établissements d’enseignement secondaire et au moins 15 % des effectifs dans 52 % des établissements.
Figure 2: Dans la majorité des pays de l’OCDE, au moins un élève sur cinq âgé de 15 ans est un immigrant de première ou de deuxième génération
L’influence réciproque de la migration et de l’éducation
Les migrants ne forment pas une population aléatoire. Ils diffèrent des non-migrants à plusieurs égards, en particulier leur niveau plus élevé d’instruction qui les rend aptes à recueillir davantage d’informations, profiter des débouchés économiques, utiliser des compétences transférables et financer leur départ. En 2000, le taux d’émigration dans le monde atteignait 5,4 % pour les personnes ayant fait des études supérieures, 1,8 % pour les personnes ayant fait des études secondaires et 1,1 % pour les personnes ayant fait des études primaires.
Le niveau d’études au moment de la migration dépend aussi des conditions dans lesquelles les migrants franchissent les frontières : les immigrants américains venus d’El Salvador, d’Haïti, du Mexique et du Nicaragua sans les papiers requis étaient, en moyenne, plus éduqués que ceux qui travaillaient sous contrat temporaire, mais moins que ceux qui avaient acquis le statut de résident légal.
Deux comparaisons sont éclairantes pour cerner l’influence de la migration sur le niveau d’études et de résultats scolaires. La première comparaison, entre les migrants et les non-migrants, montre que la différence entre ces deux groupes va bien au-delà de la décision de migrer (à titre d’exemple, les migrants auraient pu suivre une scolarité plus longue s’ils étaient restés au pays). La deuxième comparaison, entre les immigrants et les autochtones, indique que la différence entre ces deux groupes ne se limite pas au seul statut d’immigration.
Dans certains cas, la conséquence des politiques d’immigration sélective est que les immigrants sont plus éduqués que les autochtones ; dans d’autres cas, les immigrants vivent dans des zones plus pauvres où les écoles sont de qualité médiocre, de sorte que leurs enfants ont un niveau d’études et de réussite plus faible.
En 2000, le taux d’émigration dans le monde atteignait 5,4 % pour les personnes ayant fait des études supérieures, 1,8 % pour les personnes ayant fait des études secondaires et 1,1 % pour les personnes ayant fait des études primaires
LA MIGRATION INFLUE SUR L’ÉDUCATION DE CEUX QUI RESTENT AU PAYS
Les migrants laissent souvent leurs enfants au pays. Aux Philippines, on estime qu’entre 1,5 million et 3 millions d’enfants ont au moins un parent migrant qui réside à l’étranger. L’incidence des transferts de fonds sur l’éducation n’a rien de négligeable.
Globalement, les transferts monétaires internationaux reçus par les ménages en 2017 s’élèvent à 613 milliards de dollars EU, dont 466 milliards à destination de ménages vivant dans des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, soit le triple du montant de l’aide publique au développement. La Chine et l’Inde sont les principaux pays destinataires en valeur absolue, mais, en pourcentage du produit intérieur brut, le Kirghizistan et les Tonga arrivent en tête.
L’effet de ces envois de fonds sur l’éducation peut, en théorie, être positif ou négatif. La diversification des sources de revenu fait fonction d’assurance ; les familles sont, en ce cas, moins enclines à réduire leurs dépenses d’éducation. Toutefois, même si un supplément de revenu conduit les ménages à dépenser davantage, l’éducation est en concurrence avec d’autres postes de dépenses, les enfants sont quelquefois obligés de travailler pour remplacer le migrant et l’absence de contribution des parents peut faire obstacle à l’éducation. Les transferts de fonds peuvent également créer une « culture de la migration » dans laquelle la perspective de tirer des rendements substantiels d’une main d’oeuvre peu qualifiée ou semi-qualifiée à l’étranger a un effet dissuasif sur la poursuite des études.
Dans la pratique, les transferts monétaires internationaux ont eu pour effet d’accroître les dépenses d’éducation des ménages de 35 % en moyenne, ainsi qu’il ressort qu’une série d’études menée dans 18 pays d’Afrique subsaharienne, d’Asie centrale, d’Asie du Sud et d’Asie du Sud-Est. L’effet a même été plus prononcé en Amérique latine (53 %).
La cible 10.c du dixième Objectif de développement durable appelle à faire baisser au-dessous de 3 % en moyenne les coûts de transaction des envois de fonds. La moyenne actuelle est de 7,1 %. Les frais de transfert perçus par les banques traditionnelles (11 %) comptent parmi les plus élevés, et certains intermédiaires en Afrique vont jusqu’à facturer plus de 20 %. En admettant que la part du montant total des dépenses d’éducation des ménages s’élève à 4 %, ramener les coûts de transaction à 3 % permettrait aux ménages de consacrer 1 milliard de dollars EU supplémentaire par an à l’éducation.
Plusieurs études montrent que les envois de fonds ont des effets positifs sur les résultats éducatifs. Aux Philippines, suite à une hausse de 10 % des transferts internationaux, la fréquentation scolaire a progressé de plus de 10 % et la durée hebdomadaire du travail des enfants a diminué de plus de trois heures. Ces effets varient selon le genre. En Jordanie, l’effet positif de tels envois sur la poursuite d’études postérieures à la scolarité obligatoire n’a été constaté que chez les garçons.
Ces retombées positives observées correspondent parfois à des couloirs de migration particulièrement sélectifs ou à des contextes réservés à un petit nombre de migrants. Dans certains couloirs de migration empruntés par une main d’œuvre peu qualifiée, l’effet négatif sur les résultats est avéré. Au Guatemala, les transferts monétaires internationaux sont associés à une forte baisse de la probabilité de scolarisation, malgré une amélioration des résultats des enfants scolarisés consécutive aux envois d’argent. Dans les régions rurales du Mexique, les élèves que leurs parents ont laissés derrière eux ont obtenu de moins bons résultats à la suite des envois d’argent.
DANS LES PAYS DE DESTINATION, LES MIGRANTS SONT PÉNALISÉS DANS LEUR SCOLARITÉ
Dans les pays de destination, les immigrants quittent en général relativement tôt le système éducatif. Dans les pays de l’Union européenne, 10 % des personnes nées au pays et 19 % des personnes nées à l’étranger âgées de 18 à 24 ans ont abandonné précocement l’école en 2017. Le décrochage scolaire dépend parfois de l’âge des élèves au moment de leur arrivée ; les résultats sont très variables selon qu’ils sont entrés dans le système éducatif du pays d’accueil au début, au milieu ou à la fin du cycle de scolarité obligatoire. Aux États-Unis, 40 % des immigrants mexicains âgés de 7 ans à leur arrivée n’ont pas achevé le cycle secondaire, contre 70 % de ceux qui étaient âgés de 14 ans à leur arrivée.
Cependant, le niveau scolaire des immigrants progresse plus rapidement que celui des enfants autochtones et des enfants restés au pays. En Allemagne, chez les enfants autochtones dont les parents étaient moins instruits que la moyenne, la progression scolaire a été plus lente que celle de leurs homologues immigrés. Dans huit pays d’Amérique latine et des Caraïbes sur dix, les enfants d’immigrants avaient en moyenne poursuivi leur scolarité pendant 1,4 année de scolarité de plus que les enfants de parents qui n’avaient pas quitté leur pays.
Les écarts de niveau d’études s’étendent sur plusieurs générations. L’étude PISA 2015 indique que, chez les jeunes de 15 ans, 49 % d’immigrants âgés de 15 ans de première génération et 61 % d’immigrants de deuxième génération avaient au moins atteint le niveau 2 de compétences en lecture, mathématiques et sciences, contre 72 % pour les autochtones. En Allemagne, au Canada et en Italie, les autochtones demeurent en avance sur les immigrants de deuxième génération, en particulier dans l’enseignement supérieur.
Si l’on compare le niveau des immigrants turcs de deuxième génération dans six pays, il apparaît que seulement 5 % d’entre eux en Allemagne, mais 37 % d’entre eux en France, ont suivi des études supérieures. Cet écart tient notamment à des facteurs institutionnels propres à la France, comme l’accès précoce à l’enseignement préprimaire, l’orientation tardive vers les filières de l’enseignement secondaire selon les aptitudes et les possibilités d’accéder à l’enseignement supérieur par des filières moins sélectives. Le statut socio-économique plus bas explique environ 20 % du retard d’apprentissage des immigrants dans les pays de l’OCDE ; dans certains pays, dont la France et la Grèce, ce chiffre est de 50 %. Dans les pays de l’OCDE, la probabilité de redoubler une classe est pratiquement deux fois plus élevée chez les élèves immigrés que les élèves autochtones.
Les politiques en matière d’immigration et de citoyenneté entravent l’accès à l’école
Le droit à l’éducation et le principe général de protection contre toutes formes de discrimination sont consacrés par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et par la Convention relative aux droits de l’enfant. Un traité international portant spécifiquement sur les migrations prévoit une égalité de traitement entre les migrants et réfugiés et les nationaux en matière d’éducation, même si le texte n’a à ce jour été ratifié que par un pays sur quatre et, en l’occurrence, presque exclusivement par des pays émetteurs de migrants. Dans la pratique, les politiques d’immigration restrictives, les législations contradictoires et les règles très strictes imposées par les pays d’accueil en matière de documents à produire ne sont guère de nature à promouvoir l’exercice de ce droit.
Les législations nationales mettent parfois en péril le droit constitutionnel à l’éducation. À Chypre et en Slovaquie, les établissements scolaires sont tenus de signaler aux services de l’immigration les familles qui ne possèdent pas de documents valides. En Afrique du Sud, la Loi sur l’immigration de 2002 interdit aux migrants dépourvus de papiers de s’inscrire à l’école.
Dans les pays où le droit à l’éducation des populations nées à l’étranger est prévu par la législation, les chances de pouvoir exercer ce droit sont plus grandes. En Argentine, la Loi sur l’éducation nationale de 2006 affirme le droit de tous les habitants à l’éducation. En Slovénie, la loi sur l’école élémentaire stipule explicitement l’extension du droit à l’éducation aux apatrides.
L’existence d’un cadre juridique qui favorise l’intégration n’empêche pas nécessairement les pratiques discriminatoires au niveau régional ou local. Les écoles ont le droit de conditionner l’inscription d’un élève à la fourniture d’un certificat de naissance, des titres scolaires ou universitaires acquis antérieurement, de papiers d’identité ou d’une attestation de résidence. Au Chili, où le nombre de migrants haïtiens est passé de 5 000 en 2010 à 105 000 en 2017, la politique prescrit d’assurer l’accès de tous les enfants à l’enseignement public ; dans la pratique, l’offre éducative relève des fonctionnaires locaux. En Ouzbékistan, les autorités scolaires demandent parfois de produire une attestation de résidence, un passeport ou un document rédigé dans la langue nationale avant l’inscription.
Une clarification officielle peut rassurer les gardiens de l’accès à l’école sur le fait que la loi n’oblige pas à produire un dossier complet, et un cadre juridique national solide peut prévoir des voies de recours pour les individus qui souhaitent déposer plainte. En 2014, l’Italie et la Turquie ont précisé qu’il n’y avait pas aucune obligation à fournir des papiers pour s’inscrire à l’école. En France, les parents peuvent s’adresser au médiateur ou aux tribunaux pour demander réparation en cas de refus d’inscription à caractère discriminatoire.
Pour les migrants sans papiers, l’accès à l’éducation n’en demeure pas moins un chemin semé d’embûches. Aux États-Unis, où le nombre d’immigrants en situation irrégulière s’élevait à 11 millions en 2014, la menace de reconduite à la frontière peut être une cause de non scolarisation des enfants : en février 2017, l’absentéisme dans le district scolaire de Las Cruces (État du Nouveau-Mexique) a augmenté de 60 % après une descente des services d’immigration. Instauré en 2012, le programme Deferred Action for Childhood Arrivals (DACA) a permis à 1,3 millions de jeunes entrés illégalement sur le territoire américain avant l’âge adulte d’éviter une expulsion et de travailler légalement aux États-Unis. Selon les estimations, le taux de d’obtention d’un diplôme du secondaire a augmenté de 15 % grâce à ce programme qui a incité les immigrants admissibles à en profiter.
Quant aux mineurs migrants non accompagnés, qui sont particulièrement vulnérables à l’exploitation, leurs besoins éducatifs ne sont pas satisfaits. Leur nombre a explosé dans le monde, passant de 66 000 en 2010–2011 à 300 000 en 2015–2016. Dans maints pays, dont l’Australie, la Grèce, l’Indonésie, la Malaisie, le Mexique, Nauru et la Thaïlande, les enfants et les jeunes placés dans des centres de détention d’immigrants n’ont souvent pas ou peu accès à l’éducation. Près de 73 % des 86 000 mineurs arrivés en Italie entre 2011 et 2016 n’étaient pas accompagnés. Malgré l’adoption, en 2015 et 2017, d’une législation visant à les protéger, ils ne sont qu’une minorité à fréquenter régulièrement l’école.
L’absence de papiers peut constituer un obstacle pour les 10 millions d’apatrides dans le monde qui, pour certains, sont issus de l’immigration. En Côte d’Ivoire, où l’on recense 700 000 apatrides, on ne peut accéder à l’éducation que si l’on dispose d’une pièce justificative de sa nationalité. En République dominicaine, où des milliers d’immigrants haïtiens se sont vus retirer leur nationalité, le taux net de scolarisation primaire chez les enfants âgés de 6 à 13 ans était, en 2012, de 52 % pour les enfants nés en Haïti, contre 82 % pour les immigrants nés dans d’autres pays.
Les politiques d’éducation peuvent favoriser l’accès des migrants à l’école
Les programmes de la petite enfance, les programmes de soutien linguistique et les politiques en matière de groupement par aptitudes, de sélection et de ségrégation sont des moyens efficaces d’améliorer l’accès à l’éducation.
La participation des immigrants aux programmes de la petite enfance est fondamentale. Le niveau de lecture des immigrants âgés de 15 ans ayant bénéficié d’un enseignement préprimaire est meilleur et correspond, en moyenne, à une année de scolarité supplémentaire. Accéder à des programmes de la petite enfance peut se révéler difficile pour des immigrants sans papiers : aux États-Unis, le taux de scolarisation préprimaire des enfants sans papiers âgés de 3 et 4 ans est nettement plus faible que celui des enfants immigrés et autochtones pourvus de papiers.
Le manque de maîtrise de la langue est pénalisant à l’école : en sus d’être un frein à la socialisation, à l’établissement de relations et au sentiment d’appartenance, il augmente le risque de discrimination. En 2012, 53 % des élèves immigrés de première génération peu instruits suivaient des cours supplémentaires d’alphabétisation en dehors du cadre scolaire dans 23 pays à revenu élevé.
La durée des classes préparatoires varie d’un pays à l’autre : une année en Belgique, en France et en Lituanie, contre 4 années en Grèce. En Allemagne, les « classes d’accueil » prévoient des cours de langue intensifs spécifiques pour les élèves issus de l’immigration. En Espagne, trois formules sont possibles selon les régions : les classes temporaires qui accueillent les élèves concernés pendant une partie de la journée, les classes d’immersion et les classes interculturelles qui, outre un soutien linguistique, offrent des activités destinées à renforcer les liens entre les familles et l’établissement scolaire. Les pouvoirs publics doivent veiller à ce que ces formules d’enseignement séparé ne durent pas trop longtemps pour éviter d’accentuer les écarts et les désavantages.
La sélection précoce en fonction des aptitudes a tendance à défavoriser les élèves immigrés, car elle diminue leurs chances, crée des inégalités et renforce la corrélation entre l’origine sociale et les résultats des élèves. En Italie, le pourcentage d’immigrants entrés à l’université a été de 59 % pour les diplômés de l’enseignement secondaire général, contre 33 % pour les diplômés de l’enseignement professionnel et 13 % pour les diplômés de l’enseignement technique.
Les élèves immigrés sont en général concentrés dans les banlieues et les écoles moins exigeantes et moins performantes. Les élèves autochtones rejoignent les quartiers plus riches, accentuant ainsi la ségrégation. Au Royaume-Uni, les locuteurs non natifs ont plus de chances d’être scolarisés dans le même établissement que des locuteurs natifs défavorisés. La proportion d’immigrants peut aussi retentir négativement sur les résultats éducatifs des natifs défavorisés. En Norvège, la présence de 10 % d’immigrants supplémentaires dans une école est associée à une hausse de 3 % du taux d’abandon scolaire parmi les élèves natifs.
Les pays ont différents outils à leur disposition pour lutter contre la ségrégation. En Italie, une circulaire de 2010 fixe un taux plafond de 30 % d’immigrants de première génération par classe. Dans la réalité, 17 % de classes de primaires dépassent ce plafond. En Allemagne et en France, en dépit des politiques et des réformes engagées pour limiter la ségrégation scolaire, les parents contournent le système de la carte scolaire ; quant aux écoles, elles trouvent des solutions pour séparer les classes selon l’option choisie par les parents pour l’instruction religieuse ou la langue étrangère. Une analyse portant sur 108 circonscriptions d’écoles primaires situées dans quatre districts de Berlin montre que, dans une école sur cinq, il y a deux fois plus d’élèves issus de l’immigration que d’élèves habitant dans le district concerné.
CERTAINS GOUVERNEMENTS APPORTENT UN SOUTIEN CIBLÉ AUX ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES À FORTE PROPORTION D’ÉLÈVES IMMIGRÉS
Les besoins de financement sont vraisemblablement plus importants dans les établissements scolaires qui comptent une forte proportion d’élèves immigrés ou réfugiés parmi leurs effectifs. Le financement par péréquation a pour but de garantir une plus grande équité en allouant des ressources supplémentaires à des établissements pour compenser les inégalités. Dans certains programmes, le pourcentage de migrants est un critère qui est pris en compte dans le financement de l’établissement. En Lituanie, le budget de l’école ajoute 20 % pour les élèves qui appartiennent à une minorité nationale et 30 % pour les élèves immigrés durant leur première année de scolarité dans le pays.
Si ces pratiques font figure d’exception, les élèves migrants et réfugiés peuvent aussi être indirectement à l’origine de l’attribution de ressources supplémentaires. Des financements sont par exemple alloués à des écoles implantées dans des quartiers où les habitants ont une faible maîtrise de la langue d’enseignement ou un niveau socioéconomique peu élevé, deux éléments qui caractérisent souvent la situation des immigrants. La nouvelle formule de financement nationale (National Funding Formula) en Angleterre (Royaume-Uni) met fin au système de financement spécialement réservé aux migrants, mais elle prévoit l’octroi de ressources supplémentaires pour compenser des désavantages imputables par exemple au « dénuement », « niveau antérieur faible » et « anglais comme langue supplémentaire ».
Il n’est pas rare non plus que les écoles reçoivent des aides additionnelles pour les élèves migrants et réfugiés parallèlement à la formule de financement classique. Le gouvernement danois a affecté près de 3 millions de dollars EU en 2008–2011 pour financer des activités et des ressources, comme des conseillers scolaires et familiaux, en vue de renforcer la coopération entre les familles d’immigrants et les établissements scolaires.
Dans certains pays, un système de financement ciblé existe pour les programmes linguistiques. Dans le cadre du programme américain English Language Acquisition Program, 740 millions de dollars EU par an sont octroyés sous forme de subventions publiques en fonction du nombre d’élèves qui apprennent l’anglais. Les écoles financent l’enseignement linguistique grâce à ces fonds. D’autres formes de soutien destinées aux enseignants qui rencontrent des difficultés avec des élèves des familles d’immigrants sont aussi possibles.
Le soutien ciblé en direction des élèves migrants et réfugiés sous-estime parfois les difficultés structurelles de l’école et de l’administration. Les immigrants et les réfugiés peu éduqués ont tendance à se regrouper dans des quartiers où les autorités scolaires sont déjà sous-équipées en personnel. Les mesures visant à inciter les enseignants à travailler dans les écoles défavorisées sont malaisées à mettre en oeuvre en dehors du cadre du budget ordinaire de l’école. Qui plus est, les décisions politiques peuvent peser sur les financements ponctuels ou l’appui extrabudgétaire aux programmes, comme aux États-Unis.
LES PROGRAMMES D’ALPHABÉTISATION ET D’ENSEIGNEMENT LINGUISTIQUE SONT UN PILIER DE L’INCLUSION DES IMMIGRANTS ET DES RÉFUGIÉS ADULTES
Le niveau d’alphabétisation des immigrants et des réfugiés est extrêmement variable. D’après une enquête réalisée en 2016 auprès de demandeurs d’asile en Allemagne, 15 % d’entre eux étaient analphabètes, 34 % connaissaient l’alphabet latin et 51 % connaissaient un autre alphabet. L’alphabétisation des immigrants et des réfugiés adultes peut les aider à se sentir accueillis, renforcer leur sentiment d’appartenance et développer leurs aptitudes à communiquer et à subvenir à leurs besoins quotidiens. L’acquisition d’une meilleure maîtrise de la langue du pays hôte est associée à une augmentation des possibilités d’emploi et du niveau de revenu et, selon les déclarations des intéressés, à un meilleur état de santé. Rares sont pourtant les programmes publics d’alphabétisation mis en oeuvre à grande échelle pour les immigrants et les réfugiés adultes.
Compte tenu de la diversité des immigrants et des réfugiés, il importe de concevoir des programmes souples, offrant une grande variété de rythmes, de contenus et d’horaires. Les apprenants qui ne savent ni lire ni écrire dans leur langue maternelle sont confrontés à des difficultés bien spécifiques. Selon certaines estimations, pour ceux qui n’ont été que peu, voire pas, scolarisés, apprendre à écrire dans une seconde langue prend huit fois plus de temps. En Finlande, le rythme d’apprentissage est lent et la formation dispensée est sans doute trop courte pour des adultes analphabètes.
Pour aider ces apprenants, les enseignants ont besoin d’être compétents dans l’utilisation de matériels qui correspondent aux problèmes que les immigrants rencontrent dans leur vie de tous les jours. Dans le cadre du programme AlfaZentrum für MigrantInnen à Vienne, les apprenants apportent de chez eux ou de leur lieu de travail les documents qu’ils ont des difficultés à comprendre et pour lesquels ils ont besoin d’aide.
L’enseignement et l’apprentissage de la langue maternelle des immigrants adultes facilitent le travail d’accompagnement de l’alphabétisation initiale. En Norvège, les centres d’éducation des adultes ont eu l’idée de faire appel aux apprenants immigrés les plus instruits comme assistants dans les classes de première alphabétisation de façon à résoudre les difficultés de compréhension entre les enseignants et les apprenants.
Le sous-financement peut limiter l’offre de programmes, en particulier dans les pays où les ressources et le soutien des pouvoirs publics ne sont pas en adéquation avec la politique, comme au Royaume-Uni. La pauvreté, les préoccupations sécuritaires et l’absence de programmes adaptés aux particularités culturelles découragent parfois les individus, en particulier les femmes, d’assister aux cours. La concentration de nouveaux arrivants dans des enclaves ethnolinguistiques ne les incite pas à apprendre la langue puisqu’ils y sont peu exposés. Par ailleurs, la motivation pour apprendre une nouvelle langue peut être faible dans le cas des migrants temporaires.
Les programmes linguistiques doivent être modulables, adaptés aux spécificités culturelles et dotés des ressources nécessaires. Associer les immigrants et les réfugiés à la planification et à l’enseignement peut être utile. En Nouvelle-Zélande, pendant la phase de conception d’un programme, les pouvoirs publics ont consulté des réfugiés, anciens et actuels, pour recueillir leurs commentaires sur leurs souhaits par rapport à l’enseignement et leurs difficultés éventuelles.
L’emploi étant l’une des priorités des immigrants et des réfugiés à leur arrivée, l’intégration et l’acquisition de la langue sont parfois une condition impérative pour obtenir un travail. À Cabo Verde, un programme de promotion de l’alphabétisation et de la formation des immigrants des communautés africaines vivant au Cabo Verde offre des cours d’alphabétisation, de portugais et de formation professionnelle, comme l’informatique et la menuiserie. Le gouvernement allemand, quant à lui, a mis en place un cours d’intégration qui comprend 600 heures d’enseignement de l’allemand, et les réfugiés qui ont atteint le niveau B1 peuvent bénéficier d’une formation linguistique axée sur l’emploi.
LES MIGRANTS ONT BESOIN D’UNE FORMATION AUX QUESTIONS FINANCIÈRES
Le niveau de connaissances financières est faible dans bon nombre de pays d’émigration traditionnels et de communautés de migrants peu qualifiés, et les immigrants et les réfugiés sont donc très exposés au risque de fraude ou d’exploitation financière. Les systèmes financiers et les dispositifs de protection sociale des pays et les circuits de transferts de fonds, en particulier, peuvent leur paraître d’une grande opacité dans les premiers temps.
Des initiatives mondiales comme le Réseau international sur l’éducation financière lancé par l’OCDE accordent une importance prioritaire aux migrants dans le cadre de programmes plus vastes visant à promouvoir l’inclusion. Les programmes de formation financière à l’intention des migrants impliquent souvent un large éventail de parties prenantes représentant des acteurs internationaux, des gouvernements, des organisations non‑gouvernementales et les acteurs privés.
L’Indonésie a adopté en 2013 une stratégie nationale d’éducation financière. Fondée sur des données probantes issues d’un programme mené conjointement avec la Banque mondiale, cette stratégie cible la formation sur des moments où les migrants potentiels font face à des décisions financières importantes. La Fondation marocaine pour l’éducation financière a créé un partenariat avec l’Organisation internationale du Travail en vue d’instaurer des programmes de formation aux questions financières pour les immigrants au Maroc. En Roumanie, l’Organisation internationale pour les migrations a lancé une initiative conjointe avec la MasterCard Foundation visant à faciliter l’intégration des immigrants et des réfugiés, et plus particulièrement les groupes vulnérables, notamment les enfants, les femmes et les personnes ayant des besoins spéciaux.
Même s’ils possèdent une bonne culture financière, les migrants ne connaissent pas toujours la terminologie et les caractéristiques des produits financiers. Certains hésitent à faire confiance aux institutions financières, aussi bien dans leur communauté d’origine que dans la communauté d’accueil. Quelquefois, les migrants sans papiers et les réfugiés récemment arrivés craignent que les informations qui leur sont demandées pour accéder aux services financiers ne servent à les identifier et n’entraînent leur reconduite à la frontière. Le secteur financier n’a pas de produits pertinents et adaptés aux spécificités culturelles à offrir aux migrants et aux familles de retour dans leur pays.
Les données relatives à l’incidence d’une éducation financière sur le bien-être économique des migrants ne sont pas concluantes. D’après une étude menée au Qatar sur des migrants indiens, l’acquisition de notions financières a eu un effet positif, quoique minime, sur leurs décisions en la matière. Mais des études effectuées en Australie et en Nouvelle-Zélande montrent que les programmes d’éducation financière n’ont pas sensiblement modifié l’utilisation du système bancaire officiel.
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