Déplacement
Le nombre de personnes déplacées a atteint son plus haut depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ces personnes déplacées sont en général originaires des régions les plus pauvres et les plus mal desservies du monde et sont d’autant plus vulnérables que leur situation les prive d’accès à l’éducation.
CRÉDIT: Petterik Wiggers/HCR. Des enfants réfugiés d'Éthiopie et de Somalie fréquentent les écoles d'un camp de réfugiés près de la frontière entre Djibouti et la Somalie.
Sur les 19,9 millions de réfugiés placés sous la protection du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), 52 % environ sont âgés de moins de 18 ans. Par ailleurs, 5,4 millions de réfugiés palestiniens sont sous la protection de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Environ 39 % de réfugiés vivent dans des camps ou des centres collectifs réglementés, spontanés ou de transit, surtout en Afrique subsaharienne. Les autres sont en majorité hébergés dans des logements individuels en ville.
S’y ajoutent quelque 40 millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP) à cause d’un conflit, dont la plupart vivent en République arabe syrienne, et 19 millions de personnes déplacées à cause des catastrophes naturelles, la Chine en accueillant la plus grande partie.
Les personnes déplacées de force sont d’autant plus vulnérables qu’elles sont privées d’accès à l’éducation
L’accès à l’éducation des personnes déplacées et la qualité de celle-ci laissent à désirer
La situation des personnes déplacées en matière d’éducation est difficile à établir, mais les estimations du HCR chiffrent le taux de scolarisation des réfugiés à 61 % dans l’enseignement primaire et à 23 % dans l’enseignement secondaire. Dans les pays à faible revenu, ces taux sont inférieurs à 50 % dans l’enseignement primaire et s’élèvent à 11 % dans l’enseignement secondaire (Figure 3). Globalement, 4 millions de réfugiés âgés de 5 à 17 ans environ n’étaient pas scolarisés en 2017.
Les taux de scolarisation des réfugiés présentent des écarts considérables à l’intérieur d’un même pays. En Éthiopie par exemple, en 2016, le taux brut de scolarisation secondaire des réfugiés était de 1 % dans le district de Samara, mais se montait à 47 % dans le district de Djidjiga. Au Pakistan, en 2011, le taux net de scolarisation primaire des réfugiés afghans (29 %) représentait moins de la moitié du taux national (71 %), tandis que celui des filles réfugiées afghanes (18 %) non seulement était deux fois plus faible que celui des garçons (39 %), mais n’atteignait même pas la moitié du taux de fréquentation des filles dans le primaire en Afghanistan. En général, les réfugiés rejoignent les régions défavorisées du pays d’accueil. En Ouganda, les réfugiés originaires du Soudan du Sud s’établissent dans la partie pauvre de la région du Nil occidental, où le taux net de scolarisation dans le secondaire en 2016 était inférieur au taux national.
On dispose de peu d’informations sur la qualité de l’éducation des réfugiés, mais, dans les pays où des données sont disponibles, le tableau est sombre. Dans le camp de réfugiés de Dadaab au Kenya, 8 % d’enseignants du primaire sont des Kenyans qualifiés, et, parmi les enseignants réfugiés, six sur dix n’avaient suivi aucune formation.
Figure 3: Seulement 11 % d’adolescents réfugiés dans des pays à faible revenu sont scolarisés dans l’enseignement secondaire
SUIVRE LE PARCOURS SCOLAIRE DES PERSONNES DÉPLACÉES À L’INTÉRIEUR DE LEUR PROPRE PAYS EST LOIN D’ÊTRE AISÉ
Dans maints pays en proie à un conflit, les déplacements internes mettent à mal des systèmes éducatifs déjà fortement ébranlés. La toute dernière évaluation des besoins éducatifs menée dans le Nord-Est du Nigéria révèle que, sur 260 sites scolaires, 28 % ont été endommagés par des balles, des obus ou des éclats, 20 % ont été volontairement incendiés, 32 % ont été victimes d’actes de pillage et 29 % sont situés à proximité de groupes armés ou de forces militaires.
Le HCR a recensé 1,8 million de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays en Ukraine en janvier 2018. À Dnipro, Kharkiv, Kiev et Zaporijia, où vivent la majorité des personnes déplacées internes, les établissements d’enseignement manquent de salles de classe et de ressources. Les pouvoirs publics ont tentés d’y remédier en créant des places supplémentaires à l’école, en déplaçant les universités d’État pour les éloigner des zones de conflit, en simplifiant les procédures d’admission, en couvrant les frais de scolarité et en offrant des mesures d’incitation, telles que l’octroi de prêts ou la fourniture de manuels scolaires, pour les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays.
Les catastrophes naturelles contribuent, elles aussi, à fragiliser les systèmes éducatifs, plus spécialement en Asie et dans le Pacifique. Frappées par une vingtaine de typhons par an en moyenne, les Philippines sont également sujettes aux éruptions volcaniques, tremblements de terre et glissements de terrain. Le pays a pris des mesures de réduction des risques de catastrophe et, grâce à la construction de nouvelles écoles conçues selon des techniques résistantes aux typhons et dotées de supports pédagogiques, la durée de scolarité s’est allongée en moyenne de 0,3 année.
Il faut intégrer les réfugiés dans les systèmes éducatifs nationaux
La stratégie d’éducation du HCR pour 2012–2016 exhorte pour la première fois les pays à offrir aux enfants réfugiés un accès à des possibilités d’apprentissage accrédité et certifié de manière à assurer la continuité de leur éducation. L’objectif est d’intégrer pleinement les élèves réfugiés dans le système éducatif national afin qu’ils puissent s’asseoir sur le même banc d’école que les élèves du pays hôte après avoir suivi, si nécessaire, des cours de rattrapage pendant une courte période, pour se préparer à entrer dans la classe du niveau correspondant à leur âge. Le degré d’inclusion des réfugiés varie toutefois selon le contexte, et plusieurs facteurs, comme l’éloignement géographique, l’histoire, les ressources disponibles et les capacités du système interviennent dans ce processus.
Dans certains pays, l’instauration d’un système inclusif a été progressive. La Turquie, qui accueille 3,5 millions de réfugiés, a commencé par donner aux écoles privées une accréditation comme centres scolaires temporaires, avant de leur conférer le statut d’écoles provisoires, et, d’ici à 2020, tous les enfants syriens seront scolarisés dans des établissements publics. Dans d’autres pays, la mobilisation des pouvoirs publics fluctue selon l’époque. En République islamique d’Iran, la politique d’inclusion des réfugiés afghans a été marquée par des épisodes chaotiques pendant quarante ans.
L’inclusion n’est pas toujours totale malgré la volonté de la mettre en œuvre. Même s’ils utilisent le même programme d’études, le même système d’évaluation et la même langue d’enseignement que ceux du pays d’accueil, les réfugiés ne sont que partiellement intégrés soit pour des raisons d’éloignement, comme c’est le cas de ceux qui vivent dans des camps au Kenya, soit pour des raisons de capacité, comme c’est le cas de ceux qui sont scolarisés dans des écoles à double vacation au Liban et en Jordanie. Même des pays mieux pourvus en ressources, comme la Grèce, rencontrent des difficultés pour assurer l’éducation des réfugiés au sein de leur système national.
Aujourd’hui encore, dans plusieurs contextes, un système d’éducation séparée est en place pour les réfugiés. Le système éducatif palestinien est un cas unique. Les réfugiés burundais en République-Unie de Tanzanie comme les réfugiés Karens originaires du Myanmar en Thaïlande fréquentent des écoles privées ou communautaires, séparées ou non formelles.
Le degré d’inclusion des réfugiés varie en fonction du contexte et, notamment, de l’éloignement géographique, de l’histoire, des ressources disponibles et des capacités du système
PLUSIEURS OBSTACLES À L’INCLUSION RESTENT À SURMONTER
L’inclusion des réfugiés dans les systèmes éducatifs nationaux est particulièrement problématique dans les contextes qui cumulent de faibles capacités et un manque cruel de coordination et de planification. Absence de papiers, maîtrise insuffisante de la langue, interruption du parcours scolaire, pauvreté sont autant de facteurs qu’il importe de prendre en compte dans les plans.
L’Institut de planification de l’éducation de l’UNESCO a élaboré des orientations sur les plans de transition de l’éducation qui mettent l’accent sur les besoins immédiats et l’intégration des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. Le Tchad a fait œuvre de pionnier en la matière avec l’établissement d’un plan de transition en 2013. En 2018, le gouvernement a transformé 108 écoles situées dans 19 camps et sites de réfugiés en écoles publiques ordinaires.
La plupart du temps, les réfugiés ne disposent pas de papiers et rencontrent donc les pires difficultés pour accéder aux systèmes éducatifs nationaux. En Jordanie, les réfugiés ont besoin d’une « carte de service » pour aller à l’école, mais, pour l’obtenir, il leur faut produire un certificat de naissance. Depuis fin 2016, cependant, ils peuvent s’inscrire dans les écoles publiques du pays, même sans cette carte.
La méconnaissance de la langue locale constitue un autre obstacle. Au Rwanda, les réfugiés burundais suivent des cours intensifs d’apprentissage de la langue, parfois pendant six mois, jusqu’à atteindre le niveau d’anglais requis, avant de rejoindre le système scolaire public. Le système des classes préparatoires, comme en Allemagne, est également intéressant, mais, s’il se prolonge trop longuement, il peut finir par exclure les réfugiés du système éducatif au lieu de favoriser leur intégration. Les réfugiés ont besoin d’acquérir non seulement des aptitudes à la communication orale, mais aussi d’autres formes de communication non-verbale qu’ils ne peuvent découvrir qu’au contact des communautés d’accueil.
Différents types de programmes (de transition, de mise à niveau, de rattrapage et d’enseignement accéléré) sont nécessaires pour aider les enfants déplacés à intégrer ou réintégrer le système éducatif. Un programme d’apprentissage accéléré a été mis en place par le Conseil norvégien pour les réfugiés à Dadaab. Condensé en quatre ans des huit années du programme d’études kenyan, il prévoit de multiples possibilités d’entrée et de sortie. La fréquentation scolaire a augmenté chez les garçons, mais aussi chez les filles, quoique dans des proportions moindres. L’idéal serait que ces programmes soient dispensés par les pouvoirs publics et incorporés aux plans sectoriels d’éducation.
Le coût des fournitures et des transports scolaires peut être élevé, même dans les pays qui ont instauré la gratuité de l’enseignement. Dans le cadre d’un projet pilote lancé au Liban, les familles reçoivent une somme d’argent en espèces destinée à couvrir les frais de transport et le manque à gagner qu’elles subissent lorsque leurs enfants fréquentent l’école plutôt que de travailler. La fréquentation scolaire a progressé d’environ 20 %, ce qui représente une demi-journée supplémentaire par semaine, voire plus (entre 0,5 et 0,7 jour). Le gouvernement turc a étendu le dispositif des transferts d’espèces assortis de conditions aux réfugiés et 368 000 enfants syriens en avaient bénéficié en 2018.
Absence de papiers, barrière de la langue, scolarité intermittente et coûts cachés peuvent être des freins à l’inclusion totale
LES ENSEIGNANTS SONT LA CLÉ D’UNE INCLUSION RÉUSSIE
La pénurie d’enseignants, en particulier d’enseignants qualifiés, est une constante des situations de déplacement. En Turquie, il faudra 80 000 enseignants supplémentaires pour pouvoir accueillir tous les élèves syriens à l’école. L’Allemagne a besoin de 18 000 éducateurs et 24 000 enseignants supplémentaires. Quant à l’Ouganda, il lui faut trouver 7 000 enseignants de primaire en plus pour assurer l’éducation des réfugiés.
Offrir des conditions de rémunération équitables et prévisibles aux enseignants est fondamental pour améliorer le nombre d’enseignants, leur recrutement, leur stabilité et leur motivation. Limités par des budgets serrés et des cycles de financement à court terme, les gouvernements et les partenaires humanitaires peinent toutefois à financer les salaires des enseignants. Le recours à des enseignants bénévoles, souvent recrutés parmi les réfugiés et auxquels ils versent des allocations, est de pratique courante, mais les écarts salariaux entre les enseignants sont une source potentielle de tensions.
Les enseignants qui travaillent dans des contextes de déplacement ont besoin d’être formés pour pouvoir gérer des classes surchargées d’élèves de tous âges qui parlent une multitude de langues, mais le soutien qu’ils reçoivent est en général sporadique. Au Liban, 55 % des enseignants et du personnel ont participé à un programme de développement professionnel ces deux dernières années, malgré la nécessité de modifier leurs pratiques en raison de la présence d’enfants réfugiés. Dans le camp de Kakuma au Kenya, divers moyens de soutien aux enseignants sont utilisés : ainsi, une université nationale propose des programmes formels sanctionnés par des diplômes et des certificats d’enseignement et le Réseau inter-agences pour l’éducation en situations d’urgence a conçu des cours non formels et, jusqu’à présent, non sanctionnés par un certificat, pour les enseignants de primaire en contexte de crise.
De nombreux enseignants réfugiés sont exclus des programmes nationaux de formation à cause des réglementations qui régissent le droit du travail. Certains pays encouragent les enseignants réfugiés à reprendre leur activité professionnelle. Le Tchad a dispensé à des enseignants soudanais une formation à l’issue de laquelle un certificat d’aptitude à enseigner dans les écoles du pays leur a été délivré. En Allemagne, l’université de Potsdam permet à des enseignants réfugiés, syriens ou originaires d’autres pays, de renouer avec leur métier grâce au programme dénommé Refugee Teacher Programme.
Les taux de prévalence du syndrome de stress post-traumatique chez les élèves vont de 10 % à 25 % dans les pays à revenu élevé et peuvent atteindre 75 % dans des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire. Lorsque les enfants sont privés d’accès à des services de santé mentale, l’école est parfois le seul lieu où ils peuvent bénéficier d’une aide. Cela étant, les programmes dispensés en milieu scolaire nécessitent de faire appel à des thérapeutes spécialement formés et de disposer de compétences que n’ont pas les enseignants. Ces derniers peuvent cependant favoriser les échanges avec les élèves et organiser des activités psychosociales structurées de manière à créer un climat sécurisant et bienveillant et fournir ainsi aux élèves l’appui psychosocial dont ils ont besoin. Les stratégies de gestion de classe et les mécanismes d’orientation vers des services spécialisés sont des aspects importants du développement professionnel des enseignants.
L’ÉDUCATION DE LA PETITE ENFANCE EST VITALE POUR DES RÉFUGIÉS
Pour les jeunes enfants qui vivent dans un contexte de violence, il est crucial de pouvoir accéder à des programmes adaptés, notamment à des programmes d’éducation et de protection de la petite enfance (EPPE), susceptibles de leur procurer la stabilité, la protection et la stimulation qu’ils ne trouvent pas ailleurs. Dans maintes situations de déplacement, malheureusement, rien n’est prévu pour répondre aux besoins de la petite enfance.
Selon une étude réalisée dans huit pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure et à revenu élevé, la prise en compte des besoins des demandeurs d’asile et des réfugiés en bas âge est « terriblement insuffisante », signe du désintérêt des responsables de l’élaboration des politiques nationales et de l’éparpillement des responsabilités en matière de planification et d’exécution. Près de la moitié des 26 plans d’action humanitaire et d’aide aux réfugiés examinés ne font aucune mention de l’apprentissage ou de l’éducation des enfants de moins de 5 ans et moins d’un tiers d’entre eux évoquent explicitement l’enseignement préprimaire ou l’éducation et la protection de la petite enfance.
Ce vide est, traditionnellement, comblé par les organisations non gouvernementales. Le Comité international de secours a piloté l’initiative Healing Classrooms (Classes curatives), un programme de formation des enseignants préscolaires conçu pour les enfants congolais qui vivent dans des camps au Burundi et en République-Unie de Tanzanie. Une version adaptée pour le Liban a été produite en 2014 et, à ce jour, 3 200 enfants d’âge préscolaire en ont bénéficié et 128 enseignants ont suivi la formation proposée. Après quatre mois d’expérimentation, on a constaté une amélioration du développement moteur et socioaffectif, des fonctions exécutives et de l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul chez les participants âgés de 3 ans.
Plusieurs pays ont noué des partenariats avec de multiples acteurs locaux et organisations non gouvernementales. En Éthiopie, le gouvernement finance les trois cinquièmes des enfants réfugiés âgés de 3 à 6 ans qui sont accueillis dans 80 centres d’éducation et de protection de la petite enfance situés dans des camps et dans 150 écoles maternelles, privées et publiques, d’Addis-Abeba. Le gouvernement allemand a adopté un vaste plan d’éducation des réfugiés et des demandeurs d’asile, en partenariat avec des acteurs infranationaux, et il prévoit d’investir près de 400 millions d’euros en 2017–2020 pour déployer ses programmes d’EPPE et en étoffer les effectifs.
L’ÉDUCATION DES RÉFUGIÉS HANDICAPÉS EST PARTICULIÈREMENT MENACÉE
Si le droit à l’éducation des enfants réfugiés présentant un handicap est garanti par plusieurs instruments juridiques internationaux, l’offre éducative est trop restreinte. L’évaluation des handicaps s’appuie habituellement sur un examen visuel ou médical ou sur des renseignements fournis spontanément, si bien que la nature de la déficience et la proportion de personnes handicapées parmi les populations déplacées sont très largement sous‑estimées. Des mécanismes reposant sur des questions systématiques, axées sur des critères fonctionnels, ont été mis au point plus récemment, par le Groupe de Washington notamment.
La situation de handicap peut être différente selon la nature de la déficience et les infrastructures d’accueil existantes. D’après une étude réalisée au sein de la population afghane au Pakistan, les élèves malvoyants ont plus de chances d’être scolarisés (52 %) que les élèves souffrant de problèmes d’autonomie (7,5 %).
Les conditions d’accès déplorables (distance et équipements) et le manque de formation des enseignants sont les principaux obstacles à l’éducation des enfants réfugiés en situation de handicap, comme en Indonésie et en Malaisie. Il n’y a que peu, voire pas, d’écoles spécialisées dans les zones de déplacement et celles qui existent sont en générale payantes. La peur de la stigmatisation sociale ou d’un rejet des services de l’immigration ou des autorités publiques pousse parfois aussi les personnes concernées à ne pas déclarer un handicap ou à le sous-évaluer. Pourtant, des solutions existent. L’accessibilité des infrastructures est de mieux en mieux assurée dans les nouveaux camps de réfugiés, comme en Jordanie.
Il est essentiel d’identifier et d’utiliser les atouts dont disposent les communautés d’accueil et les communautés de réfugiés. L’Union nationale des personnes handicapées d’Ouganda a coordonné un projet qui a pour objet d’inclure les réfugiés handicapés dans des activités de développement. L’Association nationale des sourds de l’Ouganda gère des écoles pour les enfants malentendants à proximité de deux camps de réfugiés.
Il n’y a que peu, voire pas, d’écoles spécialisées dans les zones de déplacement et celles qui existent sont en général payantes
LES TECHNOLOGIES PEUVENT APPUYER L’ÉDUCATION DES PERSONNES DÉPLACÉES
Les systèmes éducatifs sont souvent submergés face aux situations de déplacement forcé. De par leur évolutivité, rapidité, mobilité et portabilité, les technologies offrent parfois des solutions idéales quand les ressources pédagogiques classiques font défaut. Le programme Instant Network Schools, mis en oeuvre conjointement par le HCR et Vodafone, est suivi par plus de 40 000 élèves et 600 enseignants au Kenya, en République démocratique du Congo, en République-Unie de Tanzanie et au Soudan du Sud et leur assure l’accès à l’Internet, à l’alimentation en électricité et à des contenus numériques.
L’un des écueils de ces initiatives est de fournir des ressources qui ne sont pas toujours compatibles avec les programmes d’études des pays. Il y a, certes, des exceptions. Le programme Tabshoura (Chalk) au Liban met, par exemple, à la disposition des écoles maternelles des ressources en ligne adaptées au programme pédagogique de 2015. Disponible en arabe, en anglais et en français, il repose sur le système de gestion de l’apprentissage Moodle.
Les technologies peuvent aussi apporter un appui psychosocial. Imaginée par Bibliothèques sans frontières en collaboration avec le HCR, Ideas Box est une médiathèque en kit qui offre des contenus informatifs, culturels et pédagogiques. Une évaluation qualitative réalisée dans deux camps de réfugiés congolais au Burundi montre que ce dispositif améliore la résilience.
La plupart des programmes contribuent au développement professionnel des enseignants. Au Nigéria, un projet de formation a été élaboré par l’UNESCO, en association avec Nokia, pour aider les enseignants de primaire dans la préparation des cours, la formulation de questions stimulantes, les techniques pour solliciter la réflexion et l’évaluation du niveau d’anglais, de lecture, d’écriture et de calcul des élèves.
Les initiatives technologiques ont aussi leurs limites. Outre un investissement initial d’ordinaire coûteux, elles nécessitent des moyens d’alimentation électrique et de connectivité à laquelle tout le monde n’a pas accès. Mais, surtout, les technologies ne remplacent pas l’enseignement scolaire formel. Les organisations internationales doivent veiller à ce que les initiatives soient mieux coordonnées et répondent à la finalité ultime recherchée, en l’occurrence l’inclusion des réfugiés dans les systèmes éducatifs nationaux.
DANS L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, DIVERSES INITIATIVES SONT DESTINÉES AUX RÉFUGIÉS
L’accès à l’enseignement supérieur augmente les chances d’emploi des réfugiés et a des effets positifs sur les taux de scolarisation et de rétention aux niveaux primaire et secondaire. Or, selon les estimations, on compte à peine 1 % de réfugiés dans l’enseignement supérieur. Cet aspect est fréquemment négligé dans les situations d’urgence et ne suscite une attention concertée que dans les situations de déplacement prolongé. Les droits des réfugiés à l’enseignement supérieur sont souvent interprétés comme relevant tout au plus de la non-discrimination.
Les initiatives fondées sur les technologies peuvent toucher les populations déplacées. Lancé par le HCR et l’Université de Genève, le Connected Learning in Crisis Consortium propose un programme qui conjugue formation présentielle et formation en ligne. Depuis 2010, 6 500 élèves y ont participé.
Parmi les programmes internationaux de bourses pour les réfugiés, il y a lieu de citer le fonds lancé par l’Initiative académique allemande Albert Einstein pour les réfugiés (DAFI), qui, depuis 1992, vient en aide aux réfugiés par le biais du HCR. Son champ d’application territorial est adapté aux mouvements de réfugiés et à leurs besoins éducatifs. À l’heure actuelle, les principaux programmes sont déployés en Éthiopie, au Liban, en République islamique d’Iran et en Turquie.
D’autres programmes offrent des bourses pour étudier dans des pays à revenu élevé. Le Programme d’étudiants étrangers mis en place par l’Entraide universitaire mondiale du Canada fournit une aide aux comités universitaires qui souhaitent parrainer un réfugié pour faciliter sa réinstallation et la poursuite de ses études dans leur établissement. Depuis 1978, il a accueilli plus de 1 800 réfugiés originaires de 39 pays dans plus de 80 établissements et universités du Canada.
Les universitaires ont parfois aussi besoin d’aide. Le Réseau universitaires-chercheurs en danger propose des postes temporaires de recherche et d’enseignement à des universitaires qui nécessitent d’être protégés. Le Conseil d’aide aux universitaires réfugiés (CARA) au Royaume-Uni apporte une aide d’urgence, en particulier aux universitaires qui subissent de graves menaces dans leur pays d’origine.
La communauté dans son ensemble doit pouvoir profiter des retombées de ces diverses initiatives. Dans le cadre du programme DAFI, l’attribution des bourses se fait en tenant compte non seulement du bénéficiaire lui‑même, mais également des communautés d’origine. De même, les réseaux de soutien aux universitaires réfugiés peuvent promouvoir le renforcement des capacités. Le Conseil d’aide aux universitaires réfugiés a ainsi lancé des programmes axés sur la reconstruction des capacités de recherche et d’enseignement en Iraq, en République arabe syrienne et au Zimbabwe.
On compte à peine 1 % de réfugiés dans l’enseignement scolaire
Les PDIP sont dans une situation de détresse éducative comparable à celle des réfugiés
En vertu des Principes directeurs des Nations Unies relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays, toute personne a droit à l’éducation. Dans la réalité, cependant, le manque de capacités et de soutien politique empêche de prendre la mesure du problème et de coordonner la mise en oeuvre des solutions. Les mesures juridiques, éducatives et administratives prises pour lutter contre le dénuement éducatif des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays sont très comparables à celles que l’on a évoquées pour les réfugiés.
En Colombie, où vivent 6,5 millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays depuis 2017, le gouvernement a concentré ses efforts sur le cadre de protection juridique. En 2002, la Cour constitutionnelle a enjoint les autorités éducatives municipales d’assurer aux enfants déplacés un accès privilégié à l’éducation. En 2004, elle a déclaré que les droits fondamentaux des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, dont leur droit à l’éducation, étaient bafoués.
Pour de nombreux enfants et adolescents, déplacement rime avec interruption de la scolarité. Ils ont donc besoin d’aide pour réintégrer le système éducatif. En Afghanistan, l’ONG Children in Crisis agit à l’échelon local auprès d’enfants déplacés internes non scolarisés qui vivent dans des lotissements sauvages à l’intérieur et autour de Kaboul, en leur proposant un programme accéléré pour les aider à poursuivre leur scolarité jusqu’à la sixième année et à rejoindre le système d’enseignement formel.
Bien souvent, les enseignants déplacés à l’intérieur de leur propre pays restent sous le contrôle administratif de leur district d’origine, de sorte qu’il leur est pratiquement impossible de percevoir un salaire. C’est le cas en République arabe syrienne. En Iraq, 44 partenaires fournissent des services dans 15 gouvernorats et viennent en aide à près de 5 200 sous la forme d’allocations ou de gratifications, même si, faute de coordination, leurs actions respectives se traduisent par des tensions, des lacunes dans leurs prestations de services et des écarts de salaires d’une catégorie à l’autre.
Il est pratiquement impossible aux enseignants déplacés de percevoir un salaire en raison des risques et des obstacles administratifs auxquels ils sont fréquemment confrontés
La préparation et la capacité d’intervention des systèmes éducatifs face aux catastrophes naturelles et aux changements climatiques sont essentielles
Il est important que les plans sectoriels de l’éducation tiennent compte des risques de pertes humaines, de destruction des infrastructures et de déplacements de populations causés par des catastrophes naturelles. Il faut également qu’ils soient conçus de façon à limiter autant que possible les perturbations des services éducatifs entre les interventions d’urgence et les opérations de relèvement. En 2017, le Bureau des Nations Unies pour la prévention des catastrophes et l’Alliance mondiale pour la réduction des risques de catastrophe et la résilience dans le secteur de l’éducation ont produit la version actualisée de leur cadre global pour la sécurité des écoles qui s’articule autour de trois piliers : la sécurité des établissements scolaires, la gestion des catastrophes au niveau des écoles et la sensibilisation à la réduction des risques et à la résilience.
De nombreux pays insulaires du Pacifique intègrent les risques liés aux changements climatiques dans leurs plans d’éducation. En 2011, les Îles Salomon ont publié une Déclaration de politique et [des] directives pour la préparation aux catastrophes et l’éducation en situations d’urgence qui ont pour objet de garantir aux élèves la sécurité des environnements d’apprentissage avant, pendant et après une situation d’urgence et de faire en sorte que toutes les écoles prévoient des lieux provisoires d’enseignement et d’apprentissage.
D’ici quelques décennies, le climat sera peut-être devenu l’une des principales causes de déplacement. Dans ses estimations, la Banque mondiale avance le chiffre de 140 millions de personnes déplacées pour des raisons climatiques en 2050. Afin de réduire leur vulnérabilité, plusieurs pays se penchent déjà sur les stratégies politiques à mettre en place. En République de Kiribati, le gouvernement a annoncé une politique de « migration dans la dignité », qui fait partie d’une stratégie nationale de réinstallation à long terme. L’objectif est d’améliorer le niveau de qualification des habitants et de les doter des outils nécessaires pour accéder à des emplois décents à l’étranger, dans le secteur des soins infirmiers par exemple.
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